Face à l’épidémie de coronavirus, le Pérou a décrété le lundi 16 mars l’état d’urgence, imposé le couvre-feu de 20h à 5h du matin et mis en place le confinement social. Les sorties sont interdites le dimanche. Le 18 avril, le pays faisait état de 13489 personnes atteintes et 300 morts.
Yovana, directrice de Picol (27 mars 2020)
« […] Au Pérou finalement, les mesures sanitaires ont été prises juste après qu’un petit nombre de personnes aient été infectées et cela nous a aidé afin que le virus ne se propage pas car, malheureusement, notre système de santé est très précaire et s’effondrerait si la contamination devait s’étendre. […] En plus, les conditions de salubrité ne sont pas bonnes, il n’y a pas d’habitudes d’hygiène, l’eau et le savon manquent dans beaucoup de foyers.
D’autre part, pendant la quarantaine, beaucoup de péruvien.ne.s n’ont aucun revenu. Leur travail est occasionnel, ambulant et informel. Ils.elles vivent au jour le jour et depuis le 16 mars ne peuvent plus travailler. C’est le cas des pères et mères des écolier.e.s de Picol. Je sais que certains sont parti.e.s dans leurs villages natals jusqu’à la fin de l’état d’urgence. A Cusco, heureusement, peu de cas ont été reportés mais le risque demeure.
Cette situation va entraîner plus de pauvreté et nous devons chercher des formes d’aide pour ceux.celles qui en ont le plus besoin. Le Président péruvien a prolongé la quarantaine jusqu’au 26 avril. Quand l’école rouvrira, je réaliserai un diagnostic de la situation des familles pour voir comment nous pouvons les aider. Pour le moment, je rassemble des vêtements pour les enfants. »
Marlene, directrice d’Huchuy Yachaq (1er avril 2020)
« Comme partout, ici aussi le couvre-feu est imposé, de 18h à 5h. Pendant la journée, nous ne pouvons pas nous déplacer sauf muni.e.s d’une autorisation pour les activités vitales comme se soigner ou acheter des aliments. Les transports fonctionnent à minima. Le bus n’arrive plus jusqu’ici.
Le gouvernement a donné un bon de 380 soles (100 euros) par personne en situation de pauvreté ou d’extrême pauvreté. […] Des familles du quartier en ont bénéficié. Les restrictions de déplacement ayant été prolongées, le gouvernement donnera un bon du même montant pour la seconde quinzaine.
Dans un pays comme le nôtre, où plus de 70% des gens vivent d’activités informelles, vous ne pouvez pas imaginer à quel point la situation est critique. Beaucoup de personnes travaillent au jour le jour, ça leur va et brusquement ils se retrouvent sans rien !
Beaucoup de parents, parmi les familles du jardin d’enfant, travaillent comme chauffeurs de taxi ou dans la construction, et aujourd’hui ils n’ont plus aucun revenu. Ils n’ont pas d’assurance sociale, pas d’épargne et n’apparaissent pas dans les registres du gouvernement pour recevoir de l’aide […] C’est très compliqué. Il y a d’autres parents qui travaillent dans le tourisme, dans les hôtels, cuisiniers, aide-cuisiniers, aide-guides… ils ont des revenus réguliers mais aujourd’hui ils n’ont plus rien. Et ça va durer, le tourisme est un secteur qui ne se relèvera pas vite. Les grandes entreprises de tourisme parlent de 2021…pas avant.
Ces parents sont ceux qui pouvaient participer financièrement au fonctionnement du centre social… ils ne le pourront plus…
Ces derniers jours nous avons élaboré un cahier de travail scolaire, c’est un peu difficile avec les enfants de maternelle. Jeudi nous imprimerons les premiers cahiers à remettre aux enfants afin qu’ils puissent réaliser quelques activités la maison. Nous avons programmé des visites dans les foyers. […] Nous mettrons des jeux et des contes… Nous pouvons imaginer des scénarios pour que les apprentissages autour des comportements et habitudes puissent être développés.
[…] J’ai beaucoup pensé au quartier de San Pedro… aux familles de là-bas…certaines ont eu la bonne idée de partir à la campagne, dans leur communauté… tant mieux !
Maintenant nous devons regarder devant nous. En chemin, avec les professeures, nous trouverons la façon d’être productives et divertissantes pendant ces jours-ci. Les enfants à la maison où là où ils vivent ne doivent pas se sentir bien….
Il y a aussi des préoccupations autres : les engagements économiques de Huchuy Yachaq non couverts par les dons et financements (la comptable, la gardienne, les survêtements, les livres…), quand nous reviendrons à l’école, il nous faudra aussi penser aux repas…
Ne cédons pas au désespoir…. Il faut que nous puissions nous relever de tout ça. Le courage des professeures et l’investissement de Diana (nouvelle directrice de la maternelle Las Hormiguitas) me réjouissent. »
Marlene, professeur à Picol et coordinatrice du parrainage individuel (25 mars 2020)
« Nous sommes préoccupé.e.s […] Je ne sais rien des familles. Nous avions prévu de tenir la première permanence parrainage en avril mais vu la situation, nous ne savons pas quand nous pourrons le faire. J’espère que ce sera bientôt ! »
Marlene a appelé plusieurs familles pour prendre des nouvelles. Beaucoup ne sont pas joignables : certaines n’ont pas renouvelé leur abonnement téléphonique, d’autres sont confinées dans des zones sans réseau. Nous vous donnerons des informations plus précises dès que possible.
Hide, directrice d’Asvin (27 mars 2020)
« Nous espérons que notre pays pourra affronter cette pandémie. J’ai été effrayée quand j’ai entendu aux nouvelles que nous avions au Pérou seulement 200 lits équipés pour faire face au Covid 19 ! Et la population en général n’observe pas la quarantaine. Je pense que si ça s’étend, ce sera une catastrophe inévitable ! Mon Pérou n’est pas préparé. A Cusco, il n’y a pas d’hôpitaux équipés, les patients actuellement sont dans les couloirs, il n’y a pas de place… le pire est qu’il n’y a pas de masques, pas de gants, pas de gel hydroalcoolique, de savon liquide… »
L’école ASVIN est devenue Talent School cette année; elle est dirigée par Hide et présidée par David. Désormais autonome, elle ne nécessite plus l’aide de notre association. Une quinzaine d’enfants parrainés y poursuivent leur scolarité.