La pandémie à laquelle nous faisons face depuis plus d’un an a particulièrement touché le Pérou jusqu’à aujourd’hui, avec des conséquences, notamment pour l’éducation, encore difficiles à mesurer.
La plus forte mortalité au monde
Les Péruvien.ne.s ont payé le plus lourd tribut mondial en ce qui concerne la mortalité ramenée au nombre d’habitant.e.s, avec plus de 197 000 morts pour une population de 33 millions de personnes (par comparaison, la France a connu 110 000 décès pour 70 millions d’habitant.e.s, données d’août 2021).
Ce lourd bilan s’explique par un virus qui a fortement circulé depuis le début de la pandémie ainsi que par l’effondrement du système hospitalier. Ce dernier n’avait pas bénéficié d’investissements suffisants lors de ces dernières années, alors que le pays a connu une croissance économique. Les hôpitaux se sont trouvés incapables de faire face à l’afflux de malades, faute de lits disponibles en soins intensifs, faute de ressources humaines et matérielles suffisantes. Une grave pénurie en oxygène s’est notamment installée lors des vagues épidémiques successives, les familles de malades qui ne pouvaient pas être hospitalisés ont dû partir à la recherche de bonbonnes et de recharges d’oxygène, au prix exorbitant au marché noir.
La région de Cusco, sans être la plus touchée du pays, a été fortement impactée par la pandémie. Médecins Sans Frontières y a ouvert récemment un projet à l’hôpital Antonio Lorena pour fournir un traitement aux patients en état sévère nécessitant de l’oxygène à « haut débit » pour soulager l’unité des soins intensifs.
Une épidémie persistante
Le Pérou a subi deux longs épisodes épidémiques. Le premier a commencé au mois de mars 2020 avec la découverte du premier cas à Lima, il a entrainé un confinement plusieurs fois prolongé entre les mois de mars et d’octobre, accompagné de mesures de couvre-feu, ensuite allégées selon les régions.
Une deuxième vague a commencé en janvier 2021, avec un pic en avril, due principalement au variant brésilien qui s’est rapidement répandu. De nouvelles mesures de restrictions ont alors été mises en place selon les régions, mais sans confinement total pour limiter la crise économique et sociale.
Une vaccination tardive
Le début de la campagne de vaccination a commencé un peu plus tard que dans d’autres pays d’Amérique latine, la crise politique qu’a connu le Pérou s’étant déroulée en pleine période de négociation des vaccins à l’automne 2020. Elle s’est déroulée lentement, d’abord avec des doses du vaccin chinois Sinopharm puis des doses du vaccin de Pfizer-BioNTech. Des catégories d’âge ont successivement été appelées à se faire vacciner, le tour des plus de 36 ans aura lieu à la fin du mois d’août. La vaccination a connu une accélération depuis le mois de juillet, actuellement 27 % de la population a reçu 2 doses (plus de 7,5 millions de personnes).
Une situation sociale aggravée
L’impact de la pandémie, outre la forte mortalité, est en effet dramatique pour la population. La croissance économique que connaissait le Pérou depuis une dizaine d’années, l’une des plus fortes en Amérique latine, a connu un coup d’arrêt. Près de deux millions de Péruvien.ne.s ont perdu leur emploi et trois millions auraient basculé dans la pauvreté (alors que le taux de pauvreté avait diminué entre 2004 et 2019 de 58 % à 20%). Le confinement a été particulièrement éprouvant et parfois peu respecté car 70 % des Péruvien.ne.s vivent de l’économie informelle, gagnant leur vie au jour le jour. Beaucoup n’ont pas de compte en banque et ont dû sortir pour gagner de l’argent ou faire leurs courses.
Des écoles toujours fermées
Les établissements scolaires, du primaire au supérieur, ont fermé lors du confinement de mars 2020, juste après la rentrée scolaire qui se fait à cette période au Pérou. Depuis, les cours se font à distance et le plan de reprise n’est toujours pas clairement fixé.
Un programme national d’apprentissage à distance, « Aprender en casa » a été développé, en utilisant plusieurs supports comme la télévision, la radio, internet. Une enquête menée au printemps 2021 auprès de milliers de familles renseigne sur la situation : les 2/3 des familles se disent satisfaites des contenus proposés à distance, quasi toutes disposent d’un suivi avec les enseignants. Mais la difficulté majeure reste l’accès au contenu car beaucoup connaissent des problèmes de connexion. Seulement 30 % des foyers péruviens disposent d’un ordinateur et 30 % d’un accès internet fixe. 90 % ont un téléphone portable, qui peut être utilisé pour accéder à internet, dans la mesure où ils peuvent payer des recharges, et le partager entre les enfants de la famille. Les élèves peuvent aussi recevoir le travail sous forme de pochettes d’activités. Cette situation d’apprentissage renforce les inégalités sociales, qui sont aussi entre ville et campagne.
Le retour en classe a été évoqué par les autorités avec la condition de la vaccination des enseignant.e.s, la mise en place de protocoles sanitaires et un accès à l’eau, ce qui pose problème dans certaines écoles. La reprise s’effectue d’abord dans les zones rurales sous une forme semi-présentielle, environ 5000 établissements scolaires ruraux ont accueilli des élèves ce mois d’août. La suite devrait concerner les zones urbaines au 2e semestre de cette année mais la crainte d’une troisième vague semble la retarder. Le nouveau gouvernement a même annoncé sa volonté de vacciner d’abord tou.te.s les Péruvien.ne.s, et il serait question d’attendre désormais la prochaine rentrée pour un retour en présentiel total, soit en mars 2022 !
Certaines voix s’élèvent pour réclamer une réouverture des écoles, mettant en avant la question de la santé mentale des enfants dont souffriraient 30 % d’entre eux et le risque d’abandon de la scolarité.
Ecole à distance pour les élèves de Picol, école primaire soutenue par Los Chicos de Cusco.
Un tourisme en suspens
Le secteur touristique péruvien connaît une crise sans précédent, ce domaine d’activité accueillait auparavant 4,5 millions de touristes et représentait 3 % du PIB du pays. La région de Cusco en a été particulièrement affectée.
L’entrée par voie aérienne des étrangers non résidents est de nouveau possible depuis le 15 mars dernier. De nombreux sites culturels ont réouvert comme le Machu Picchu, de nouveau accessible, mais avec une jauge et par petits groupes accompagnés.
Cependant, pour les touristes français, le ministère des affaires étrangères conseille toujours de différer tout voyage au Pérou. Le pays est classé orange depuis juin 2021, c’est-à-dire qu’il présente une circulation active du virus dans des proportions maîtrisées. Les déplacements y sont donc soumis au régime des motifs impérieux, aménagé pour les personnes qui présentent un parcours vaccinal complet.